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Hortense Carton
Consultante
La seconde main n’est plus une tendance marginale ni une posture RSE opportuniste. C’est un levier stratégique structurant, à la croisée des enjeux économiques, environnementaux et relationnels. Récemment, j’ai accompagné une enseigne textile premium dans le déploiement de son offre de seconde main en marque blanche avec Faume, acteur de référence de l’économie circulaire. Ce projet m’a permis d’entrer concrètement dans le sujet, au-delà des discours convenus sur la consommation responsable.
Quelques chiffres pour cadrer le sujet :
Le marché mondial de la seconde main textile pèsera 350 milliards de dollars en 2028, soit une croissance 3 fois plus rapide que le neuf (ThredUp).
En France, 1 vêtement sur 2 est acheté d’occasion chez les moins de 35 ans (IFM, 2024).
Pourtant, seuls 8 % des achats d’occasion passent par un retailer traditionnel (Greenflex, 2024), alors que 44 % des Français en ont acheté un en 2023.
Ce décalage entre usage réel et offre retail n’est pas qu’un retard : c’est une opportunité stratégique pour les enseignes qui sauront structurer leur approche.
1. Double parcours, double discours : un modèle à part entière
Premier écueil : transposer les logiques du e-commerce classique au modèle seconde main. Or ici, il ne s’agit plus de cibler uniquement l’acheteur, mais aussi le vendeur, deux publics aux attentes, motivations et temporalités très différentes.
Le vendeur veut de la simplicité, une contrepartie tangible, et un impact utile.
L’acheteur attend une bonne affaire, mais avec de la réassurance, du service et une expérience fluide.
Concevoir une offre seconde main, c’est donc penser un double parcours avec des leviers CRM différenciés, dès la phase de conception. Sans cette distinction, on risque de rater les deux cibles.
2. Un défi IT trop souvent sous-estimé
Derrière l’enjeu marketing se cache un chantier technique conséquent. L’intégration de la seconde main ne se greffe pas simplement à une architecture e-commerce existante. Elle exige une remise à plat de plusieurs couches fondamentales :
Des référentiels produits repensés : chaque pièce est unique, chaque SKU doit être individualisé.
Une UX adaptée : tunnel d’achat, retours, garanties, cohabitation avec le neuf.
Une segmentation comportementale spécifique, avec des parcours CRM dédiés.
Et surtout, une intégration profonde aux SI (ERP, OMS, PIM, logistique) qui ne peut être traitée comme une verticale indépendante.
Les systèmes financiers qui doivent également être en mesure de traiter la gestion de la marge, la rentabilité des produits en prenant le prisme de la seconde main
Conseil : impliquer les équipes IT dès le cadrage pour éviter les frictions futures et garantir l’évolutivité du modèle.
3. Bien choisir son modèle : trois options, trois philosophies
Le marché s’organise autour de trois grands types d’acteurs :
Les pure players (Vinted, LeBonCoin…) : centrés sur le CtoC, peu contrôlables pour les marques.
Les retailers intégrés (Decathlon, Aigle…) : internalisent tout ou une partie de la chaîne.
Les solutions en marque blanche (Faume, Renew, Veepee Recycle…) : offrent un time-to-market rapide, avec logistique, pricing et outils clé en main, mais un partage de la valeur.
A retenir : lors de notre mission, opter pour Faume a permis de réduire de 60 % le délai de mise en marché, tout en accompagnant la montée en compétences interne.
4. Une offre désirable, avant d’être responsable
Le succès d’une offre seconde main ne repose pas uniquement sur sa vertu, mais sur sa désirabilité :
Une sélection pertinente : fondée sur le potentiel de revente, les best-sellers, les marges, les cycles.
Une expérience fluide : garantie, retour, retouches, interface claire.
Un récit de marque assumé : il ne s’agit pas de cacher la seconde main dans un coin, mais de l’intégrer pleinement à la stratégie éditoriale.
A retenir : un tri intelligent des produits en amont permet de réduire les coûts logistiques de 17 % tout en gardant une qualité perçue élevée.
5. Quel Pricing pour performer ?
Le pricing est souvent mal calibré : trop bas, il crée du doute ; trop haut, il tue l’achat impulsif.
L’approche la plus efficace repose sur un pricing dynamique, qui intègre :
L’état du produit
La saisonnalité
La rareté
Le prix du neuf équivalent
La désirabilité
A retenir : un pricing entre -30 % et -50 %, accompagné d’un service de retouche peut permettre une conversion 1,8x supérieure à la moyenne site.
6. Soigner la présentation, c’est déclencher l’envie
La seconde main ne doit pas apparaître comme une offre à part. Elle doit vivre dans l’écosystème de marque :
Visuels et UI homogènes
Nomenclature claire, mise en avant qualitative
Cross-sell intelligent avec le neuf
Capsules thématiques, collaborations vintage, storytelling
A retenir : une présentation travaillée transforme un vêtement porté en objet à (re)désirer et évite de faire ressentir aux clients une marginalisation vis-à-vis de l’offre du neuf.
7. Une offre qui raconte quelque chose de vous
Lancer la seconde main, c’est plus qu’un relais de croissance : c’est une déclaration de posture.
C’est dire que votre enseigne croit en la valeur d’usage, au cycle long, à la fidélité intelligente.
C’est aussi une façon de créer de nouveaux points de contact :
Services de reprise en magasin (Drive to store)
Fidélisation circulaire
Engagement client renforcé/ obtention d’une nouvelle cible client
Conclusion : agir maintenant, itérer ensuite
La seconde main ne s’implémente pas comme un gadget RSE.
Elle se pense comme un pilier stratégique à tester, ajuster, mais surtout activer dès maintenant. Les solutions en marque blanche permettent de réduire les risques, tout en capitalisant sur un apprentissage rapide, au plus près du client, c’est souvent une bonne première marche.
🎯 Adopter la seconde main aujourd’hui, c’est se doter d’un levier d’impact, de fidélisation, de différenciation durable et de renforcer la notoriété de la marque. Ce n’est en revanche pas toujours un levier de rentabilité financière. Ce dernier point mérite un article à lui tout seul 😊. Ce que j’observe de façon synthétique, c’est que la rentabilité du modèle corrèle de façon directe avec la qualité intrinsèque des vêtements (capacité à vivre plusieurs vies), et à leur valeur de marque (capacité à supporter une valeur résiduelle suffisante). Une invitation à quitter la fast fashion !

Hortense Carton
Consultante