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Margot Dutas
Consultante Digitale
Le Prime Day 2025, qui s’est déroulé du 8 au 11 juillet, a battu tous les records : plus de 24,1 milliards $ de ventes en ligne aux États-Unis, soit une hausse de 30,3 % par rapport à 2024. Mais au-delà de ces chiffres impressionnants, un autre phénomène attire l’attention : le trafic généré par l’intelligence artificielle générative a bondi de 3 300 % en un an. (Source)
De plus en plus de consommateurs utilisent désormais ChatGPT, Perplexity ou Claude pour rechercher les meilleures offres, comparer les produits et préparer leurs achats. Certes, ce canal reste encore marginal par rapport aux poids lourds que sont le paid search (28,5 % des ventes) ou les affiliés/influenceurs (près de 20 %). On peut estimer qu’il représente moins de 1 % des commandes pour l’instant. Mais sa croissance fulgurante en fait déjà un signal fort : l’IA générative commence à s’imposer comme un nouveau réflexe d’achat.
La question se pose alors : S’agit-il d’un effet ponctuel lié à des événements, ou bien du signe avant-coureur d’une transformation durable dans la façon dont nous consommons en ligne ?
Prime Day, révélateur d’un nouveau comportement d’achat
Si traditionnellement, les consommateurs se tournaient vers Google ou directement vers Amazon pour dénicher les meilleures offres, en 2025, un nouvel acteur s’impose : l’IA générative. Pendant le Prime Day, de nombreux clients ont formulé leurs recherches via ChatGPT ou Perplexity avec des questions du type : « Quels sont les meilleurs deals tech du Prime Day ? » ou « Où trouver la meilleure remise sur ce vidéo projecteur ? ».
Ces outils jouent le rôle de conseillers neutres, capables de comparer, filtrer et recommander les offres les plus pertinentes. L’IA devient ainsi une nouvelle porte d’entrée vers les marques, au même titre que Google hier ou TikTok aujourd’hui. Pour les e-commerçants, cela ouvre un enjeu stratégique : Comment être visibles et bien référencés dans ces environnements pilotés par IA ?
L’IA, nouvel atout stratégique du e-commerce
Personnalisation à grande échelle
Grâce à l’IA - qu’elle soit générative, prédictive ou issue d’algorithmes de machine learning - les marques peuvent offrir une expérience d’achat hyper-personnalisée :
Emails marketing rédigés en temps réel pour chaque profil
Produits adaptés au contexte et aux besoins
Landing pages dynamiques générées instantanément (seo local par exemple)
On dépasse le simple « les clients qui ont acheté ce produit ont aussi aimé… » pour entrer dans un marketing contextuel et individualisé.
Relation client augmentée
Les chatbots alimentés par l’IA offrent une expérience plus fluide et plus humaine :
Compréhension des demandes complexes
Réponses cohérentes avec l’identité de la marque
Accès à des données dynamiques du système d’information
Gestion du service avant et après-vente de « bout en bout » (commande, réclamation, conseils,…)
Ces outils renforcent la disponibilité et la réactivité sans alourdir les équipes humaines.
Fidélisation expérientielle
Exit les traditionnels programmes de fidélité transactionnelle (points, réductions,…), place à une fidélité expérientielle :
Offres adaptées en temps réel aux comportements individuels
Messages contextualisés (heure de la journée, météo, historique d’achat,…)
Programmes dynamiques où chaque client vit une expérience unique : Picard illustre parfaitement cette transition. Avec son programme Picard & Nous, l'enseigne offre des expériences personnalisées : des promotions immédiates aux cadeaux sur mesure (produits, cours de cuisine, consultations diététiques ou dons solidaires). Chaque client est ainsi libre de sélectionner ce qui lui ressemble, sans imposer un parcours standardisé (source)
Expériences immersives
Combinée à la réalité augmentée ou virtuelle, l’IA ouvre la voie à des expériences inédites :
Essayer un produit virtuellement
Interagir avec un avatar conseiller personnalisé
Participer à des événements exclusifs en ligne.
Les défis à ne pas sous-estimer
Aussi prometteuse soit-elle, l’IA soulève des défis importants :
La fiabilité : les « hallucinations » des IA peuvent induire les clients en erreur. Par exemple, certains assistants ont affirmé qu’un produit pouvait être retourné sous 60 jours alors que la politique officielle n’en prévoit que 30. Ces erreurs fragilisent la confiance, mais elles peuvent être limitées en connectant l’IA à des bases fiables et en gardant une validation humaine (source)
Une dépendance aux données : la pertinence des recommandations dépend de la qualité des bases de données.
La vie privée : la transparence et le respect du RGPD sont indispensables pour maintenir la confiance.
Un risque de déshumanisation : un excès d’automatisation pourrait nuire au lien émotionnel avec la marque. L’exemple de Klarna est parlant : après avoir confié la majorité de son service client à un assistant IA et affirmé qu’il gérait 2/3 des échanges (en supprimant au passage, environ 700 postes), l’entreprise a dû faire marche arrière face à la baisse de satisfaction et aux critiques. Elle a réembauché des conseillers humains, rappelant qu’au-delà de l’efficacité, l’empathie reste un ingrédient essentiel de la relation client. (source)
Un outil statistique, pas un cerveau métier : l’IA se base sur des modèles probabilistes et statistiques. Elle n’a ni raisonnement, ni innovation intrinsèque. Cela peut déposséder les équipes marketing de leur savoir-faire, en déplaçant la valeur vers le choix d’outils, de technologies et de partenaires plutôt que vers la créativité métier.
Une opacité difficile à piloter : les modèles issus du machine learning fonctionnent comme des boîtes noires. On tolère un certain « non-pilotage » statistique, ce qui limite la capacité à comprendre et à expliquer les résultats.
Un frein à l’innovation humaine : difficile pour une marque de piloter une véritable innovation sociale, culturelle ou créative si l’algorithme ne fait que reproduire des tendances passées, ce qui pourrait mener à un appauvrissement des contenus. D’autres, au contraire, comme Sam Altman (OpenAI), prédisent que les IA devront apprendre à générer des contenus réellement nouveaux pour continuer à progresser, ce qui pourrait en faire à terme un levier d’innovation.
Un risque d’uniformisation du marché : en s’appuyant tous sur des IA similaires, les acteurs du e-commerce pourraient converger vers des expériences standardisées, perdant ainsi leur différenciation concurrentielle.
Un risque de désintermédiation : si les consommateurs passent demain par ChatGPT ou Perplexity plutôt que par un site ou une app, les retailers risquent de voir des années d’investissements (plateformes e-commerce, apps mobiles,…) perdre en importance. L’IA deviendrait alors l’interface principale, captant la relation client et imposant ses propres règles du jeu. Cette perspective est réelle, mais elle doit être relativisée : comme l’e-commerce face au commerce physique, il est plus probable que les interfaces IA viennent compléter les canaux existants plutôt que les remplacer totalement.
La perte de contrôle sur l’expérience de marque : dans ce scénario, la marque ne maîtrise plus la narration, l’esthétique ou le parcours utilisateur. Elle devient un « fournisseur de données et d’offres » dans un environnement standardisé.
Vers un marché dicté par les IA : comme Google a pu le faire avec le SEO, une poignée de grands acteurs IA pourraient définir les nouvelles règles d’acquisition et redistribuer les cartes, au détriment des efforts directs des enseignes.
Se préparer à l’ère de l’acquisition pilotée par l’IA
On posait la question en ouverture : comment être visibles et bien référencés dans ces environnements pilotés par l’IA ? S’il n’existe pas encore de « SEO pour ChatGPT », plusieurs pistes émergent déjà :
Structurer ses données : un catalogue produit clair, des FAQ précises, des politiques de retour bien documentées… plus les données sont accessibles et fiables, plus elles ont de chances d’être reprises par les assistants IA.
Renforcer la légitimité de la marque : comme Google avec ses critères E-E-A-T (Expertise, Experience, Authoritativeness, Trustworthiness), les IA tendent à privilégier les sources crédibles. Investir dans la réputation de marque et le contenu de qualité devient clé.
Tester les intégrations IA : certaines plateformes ouvrent déjà des API et des plugins permettant aux enseignes d’être directement présentes dans les environnements IA. Mieux vaut expérimenter tôt que subir plus tard !
Conserver une différenciation humaine et créative : si l’IA standardise les réponses, ce qui continuera à faire la différence, c’est la capacité d’une marque à créer du lien, de l’émotion et une expérience unique.
En d’autres termes, préparer sa visibilité dans l’écosystème IA, c’est à la fois travailler sa donnée, son autorité et sa singularité !
Conclusion
Le Prime Day 2025 est un signal fort : l’IA générative n’est plus seulement un outil de création de contenu, elle devient un véritable canal d’acquisition et de fidélisation. En permettant aux consommateurs de chercher, comparer et interagir différemment avec les marques, elle redéfinit déjà le paysage du e-commerce. Mais au-delà de la générative, c’est bien l’ensemble des formes d’IA qui redéfinissent le paysage du e-commerce. Des modèles prédictifs aux moteurs de recommandation, en passant par les chatbots et l’IA visuelle, toutes ces technologies transforment la manière dont les marques conçoivent leurs parcours clients. Mais cette évolution soulève aussi une interrogation stratégique : sommes-nous en train de revivre le basculement qu’a connu Internet avec l’arrivée de Google ? Dans les années 2000, les portails d’entrée du web ont été remplacés par un moteur de recherche qui a capté l’essentiel de l’attention… et dicté de nouvelles expertises comme le SEO.
Aujourd’hui, ChatGPT et d’autres assistants IA pourraient bien jouer ce rôle : devenir le point de passage incontournable entre le consommateur et la marque. Si ce scénario se confirme, l’acquisition digitale ne reposera plus seulement sur Google, Amazon ou TikTok, mais aussi sur la capacité des entreprises à « exister » dans l’écosystème IA.
Les enseignes qui réussiront seront donc celles capables d’anticiper cette bascule : être visibles et légitimes dans ces nouveaux environnements, tout en exploitant l’IA pour enrichir la relation client sans perdre leur dimension humaine.

Margot Dutas
Consultante Digitale